lundi 14 avril 2008

Même pas fait exprès

"Lundi 3 juin

Il y a un instant où notre vie, sous la pression d'une joie ou d'une douleur, rassemble ce qui, en elle, était auparavant dispersé -comme une ville dont les habitants abandonneraient leurs occupations pour se réunir tous sur la grand-place. Cet instant peut arriver à n'importe quel âge, à deux ans comme à quarante. Ce qui est créé là ne cessera plus ensuite de répandre ses effets jusqu'à notre dernier souffle.

Dans la racine du mot "négligence", il y a le mot "lire". Faire preuve vis-à-vis d'autrui de négligence, c'est être devant lui comme devant un livre que l'on n'ouvrira pas, le laissant à lui-même obscur, privé de sens."

Christian Bobin, Autoportrait au radiateur

dimanche 13 avril 2008

La mécanique de l'épuisement

Affectée par les nuits d'insommnie qui ont peuplé ton enfance, tu t'efforces depuis toujours à remplir tes journées de la manière la plus exhaustive possible, afin que le sommeil te gagne immédiatement quand ta tête s'enfonce dans l'oreiller.
Petite, tu imaginais des formes dans le noir, te demandais de quoi ton avenir serait fait, d'où tu venais.

A présent, cette course effrénée vers l'excitation, le vacarme, l'action, la vie... Vient curer une autre faille: l'absence des êtres qui te sont chers. Tu combles le manque, te plonges dans une irréalité délicieuse afin d'éloigner leur spectre qui ont la faculté de te décimer à ton insu.

Tu ignores si cette angoisse ira en grandissant avec l'âge.
Tu souhaites juste qu'un jour, tu puisses profiter du moment en lui-même, sans lui attacher de fonction souterraine.

"Dans ce qui prétend nous ruiner grandit notre trésor"

"Dans ce qui prétend nous ruiner grandit notre trésor", Christian Bobin, Autoportrait au radiateur.

Réduite à ces instants de vulnérabilité qui t'assomment sans crier gare, tu:
bazardes ton passé
remets les choses à plat
refermes les plaies encore saillantes car du temps, tu n'en as pas
réfléchis aux ruptures que tu ne pourras plus empêcher
étouffes les tentatives de retour en arrière
forces les portes qui peut-être te conduiront vers d'autres horizons

Qui laisseras-tu derrière toi?
Que restera t-il quand tu en sortiras?

Tant de questions et le vide devant moi.

samedi 12 avril 2008

Mes nuits sont plus belles que vos jours

20h15: j'arrive au International sports bar où la communauté virtuelle de Guangzhou stuff s'est donné rendez-vous. Au programme: billard, fléchettes, et vas-y que je remue le popotin sur la piste de danse. Des Chinoises atteignant dangereusement la trentaine s'empiffrent de pizzas au bar (c'est gratuit pour les filles). Je me laisse approcher par un Américain d'origine coréenne, pseudo bad boy à casquette, qui se jette sur mon sac pour m'empêcher de partir. "Désolée, lui dis-je, mais j'ai déjà d'autres engagements".

22h20: triste de ne pas avoir pu profiter plus longtemps de ce rendez-vous, je me dirige vers le campus, accompagnée d'une Chinoise rencontrée au bar qui a décidé qu'elle allait m'adorer. Nous rejoignons un pote Italien-slovénien alcoolique et un Coréen (ce qui revient au même), ainsi qu'une Ukrainienne, un Thaïlandais, un Chinois, un Indonésien... Tout ce beau monde enchaîne les bières à 40cts d'euro en s'empiffrant de brochettes délicieusement grillées au barbecue.
Session terminée, je motive Gabrijel et Dae Gun pour rejoindre mes potes GZ stuffers au Tang, boîte branchée de la ville.

01h30: ces deux soiffards ne veulent pas entrer dans la boîte car elle est peu propice à la conversation. Ils dévalisent une supérette en se ravitaillant en Tsingtao puis échouent dans une ruelle sombre près de la boîte. Jennie me dit que la femme aux cheveux magnifiques en tailleur strict est une prostituée. Je la vois engager la conversation avec un occidental mal intentionné. Je détourne du regard.
Je rejoins mes autres potes dans cette antre people surbondée. Des filles à moitié nues jouent avec des serpents vivants. ça sent le fric, le sexe, la surconsommation, l'excès. Je sors rapidement.

02:15 je retrouve mes deux potes de galère assis sur des tabourets d'enfant en plastique, qui ont entre-temps rencontré un chauffeur de taxi, vieux bonhomme Cantonais de pure souche. Gabrijel fait tous les efforts du monde pour lui parler en cantonais tandis que j'entame une discussion vaguement philosophique avec Dae Gun dans un chinois plus que titubant. Imaginez une fille avec sa petite robe noire, en talons, parée de collants roses dans une rue déserte avec 3 mecs à 3h du matin...
Gabrijel reçoit un coup de fil: son ami Coréen qu'il n'a pas revu depuis 1 an. Il arrive peu après, accompagné de sa copine. Hébétés par cette situation cocasse, ils nous invitent à se rendre dans un autre endroit, sans doute plus "commode".

04h05:
la boîte la plus renommée de la ville a fermé ses portes. Nous nous rabattons sur le resto d'en face où ils commandent, de nouveau, des bouteilles de bière. Gabrijel, s'excuse de parler aussi mal le chinanglais, il est saoul. Qu'il soit torché, à la limite je peux concevoir, mais ce dernier a l'humeur triste. Dae Gun et moi, harassés par la fatigue, ne tenons plus debouts, nous parvenons finalement à le convaincre de rentrer (par la force?)

05h45: je rentre enfin chez moi quand des papys et des mamies s'empressent de faire leur gym quotidienne. Mon lit défait m'attend. Je m'endors instantanément.
Guangzhou, elle, s'éveille.

mardi 8 avril 2008

Mea Culpa

Connaissez-vous www.viedemerde.fr?
Là, en ce moment même, j'aurais tout à fait la légimitité de poster un message sur ce site.
Mais mon histoire n'est pas très drôle, donc je m'en abstiendrai.

Et moi qui pensais que le pire était derrière moi. Aujourd'hui, je suis en miettes.

lundi 7 avril 2008

"Tout ce qui n'est pas écrit disparaît" Eric Holder

Nous sommes en train de vivre les meilleures années de notre vie, disait Xavier.

Je remplis les cases de ma vie, serait-ce un vide à combler ou des pièces de puzzle que j'assemble? Je ne sais plus très bien. Tous les sentiments humains sont appelés à survenir ici, ils s'entrechoquent, se confondent, s'emmêlent. Leur densité violente me déstabilise.

En attendant de trouver une réponse à cette question ô combien existentielle, il faudra bien que j'écrive tout ce qui m'arrive ici ou ailleurs.
Avec ma mémoire défaillante, j'aurai tout oublié d'ici un an ou deux...

dimanche 6 avril 2008

La peur au ventre

Chaque matin, tu te réveilles en te demandant ce qu'il va bien pouvoir t'arriver ce jour-ci.
En Chine, l'ennui te gagne rarement: dedans, tu effectues les choses avec une extrême lenteur en savourant le calme qui règne chez toi. Dehors, chaque sortie regorge de péripéties, tu ne peux rien prédire, tout peut arriver.

Tu n'es pas quelqu'un de raisonnable, et l'empire du milieu t'offre toutes les opportunités de mesurer ton aptitude à outrepasser tes limites. C'est un vrai terrain de jeu, qui te réserve sans doute encore bien des surprises...

vendredi 4 avril 2008

Exchange student

J'ai dîné ce soir avec Alice, une amie originaire du Xinjiang près du Kazakhstan, puis tout à l'heure j'irai en boîte avec mes amies Cantonaises.
Bada, Sung Bo et Dae Gun sont Coréens, Minh Thu et Tung sont Vietnamiens, Gabrijel est un faux Italien, trahi par son accent slovène, Philomena, elle, est une Italienne pure souche.
Vince et Stanley sont Indonésiens, leur pote à lunettes dont j'oublierai toujours le nom est Thai. Rody et Billy sont Congolais, Lassa est Algérien.
Brad est Américain, Zoli est Hongrois et Patrick est Allemand.

En venant en Chine, ce n'est pas seulement la culture chinoise que je découvre, mais une foultitude d'autres cultures, qui me traversent continuellement.

Respiro

La pluie vicieuse a pris possession du ciel au-dessus de nos têtes. De fines goutelettes insidieuses taquinent mon parapluie en pleine crise existentielle. Le pauvre ne sait plus s'il vaut la peine que je l'ouvre ou pas.
Les nuages sont si bas que l'on se sent terrassé, comme si le monde entier pesait sur nos épaules.
Des nuits que je n'arrive plus à trouver le sommeil...

Heureusement, il a cessé de pleuvoir aujourd'hui.
Il fait maintenant lourd et l'air est tellement dense qu'il vient à manquer.
Je me sens comprimée, comme si un corset invisible était venu se nouer autour de ma taille.